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 ---> Maladies du Voyage (A)

Vacances, Voyages, Raids, Aventures, Pays lointains ! Le climat, l’alimentation et les conditions sanitaires nous amènent à côtoyer des agents infectieux auxquels nous ne sommes pas préparés. Quels conseils de prévention et de soins face au paludisme et aux autres maladies parasitaires ? Comment éviter les infections bactériennes et gérer au mieux les contraintes alimentaires ?. Contracter une hépatite peut avoir des conséquences graves, comment s’en prémunir ? Que faut-il penser de la vaccination contre les différents virus de l’hépatite

Partie A : Les maladies parasitaires : paludisme et autres parasites
Avec Jean-François Barale, chargé de recherche, laboratoire de biologie des interactions hôtes-parasites, Institut Pasteur et François Bricaire, professeur, chef de service des maladies infectieuses et parasitaires, hôpital Pitié-Salpêtrière


Les maladies parasitaires constituent l’une des principales causes de mortalité dans le monde. Les pays du tiers-monde et les régions tropicales sont les plus touchés pour des raisons écologiques et socio-économiques. La lutte contre ces maladies accuse un déficit thérapeutique dû souvent à la diminution de l’efficacité des traitements. Aujourd’hui la fréquence de plus en plus élevée des voyages intercontinentaux et les flux migratoires facilitent la survenue des maladies parasitaires dans les pays industrialisés. Il est parfois difficile de combattre cette extension, d’une part parce que les médecins des pays tempérés ne sont pas toujours habitués à reconnaître rapidement les signes des maladies parasitaires tropicales, d’autre part parce que les voyageurs ne disposent pas des bonnes informations ou ne suivent pas toujours les conseils qui leur sont donnés.

 Qu’est-ce qu’un parasite ? Réponse de Jean-Christophe Barale

Un parasite c’est un organisme qui dépend d’un hôte pour son cycle biologique. Il a besoin d’envahir des cellules ou en tout cas un hôte pour pouvoir se multiplier, se reproduire, et assurer la continuité de l’espèce. Le but est la dissémination. Il utilise l’hôte pour se disséminer. L’hôte peut avoir une fonction de réservoir, ce concept est important. L’homme par exemple peut être un réservoir pour un certain nombre de parasites qui ensuite sont transmis à d’autres hommes. Le problème c’est qu’au court de cette dissémination, il va y avoir multiplication ce qui peut être très efficace et qui peut être dommageable pour l’hôte. L’hôte de son côté pourra chercher à limiter voire à arrêter la multiplication parasitaire. Il y a ainsi un équilibre instable qui se met en place et dans certain cas, cet équilibre est dommageable pour l’hôte puisqu’il peut y avoir des effets pathogènes plus ou moins graves selon la nature de ces parasites et parfois la nature de l’hôte. Juste pour dire que cette notion est complexe, que cet équilibre est instable. Différents paramètres interviennent comme les facteurs de virulence du parasite, les facteurs de susceptibilité de l’hôte, etc. C’est tout cet ensemble qui regroupe la parasitologie.

 Quelles sont les maladies parasitaires les plus fréquentes ?Réponse de Jean-Christophe Barale

L’une assez connue est la maladie du sommeil. Elle est due à trypanosoma brucei dont la distribution est uniquement liée à l’Afrique équatoriale . 60 millions de personnes sont exposées à ce parasite dans 36 pays. On dénombre entre 300 et 500 000 cas cliniques par an. Vous avez tous entendu parler de la mouche tsé-tsé qui est le vecteur. C’est au cours de la morsure par la mouche tsé-tsé que l’homme est affecté par trypanosoma brucei et contracte la maladie du sommeil. C’est une maladie complexe pour laquelle il y a aujourd’hui un déficit thérapeutique assez important. Les molécules anti-parasitaires qui existent sont anciennes et présentent un certain nombre d’effets secondaires qui posent des problèmes. Je rentre un peu dans les détails. Je parlais auparavant de l’équilibre instable entre le parasite et l’homme et il y a des paramètres qui posent des questions telles que : comment le parasite peut échapper à tous les outils dont dispose l’hôte en particulier l’homme qui a un système immunitaire très évolué qui permet de résoudre un grand nombre d’infections ? Comment le parasite interagit entre autres avec le système immunitaire pour rester infectieux. L’un des outils qu’utilise trypanosoma est ce que l’on appelle la variation antigénique. C’est un concept fondamental que l’on retrouve chez différents parasites et aussi certaines bactéries. La variation antigénique, c’est la capacité qu’a trypanosoma brucei de changer complètement son apparence au niveau de la surface de la cellule. Si on regarde la surface de la cellule de ce parasite, elle est à peu près uniquement composée d’une protéine VSG (variance surface gluco-protéine) et une seule espèce moléculaire par parasite qui va changer. Chaque parasite va être capable d’exprimer un nouveau type de protéine à sa surface au fur et à mesure des cycles parasitaires. On a des épisodes de parasitémie par pics successifs qui représentent chaque fois de nouveaux variants. Il y a ainsi une interaction constante avec le système immunitaire qui va réagir contre la surface du parasite, se doter d’anticorps réflecteurs qui vont pouvoir réguler la parasitose. Mais le parasite change son enveloppe et peut ainsi échapper aux réponses immunitaires. C’est l’un des moyens que les parasites utilisent pour échapper aux défenses du système immunitaire. Trypanosoma brucei en l’état est un des modèles référence pour ces mécanismes-là.

Deuxième maladie que je voulais citer c’est la maladie de Chagas, qui est occasionnée par trypanosomia crucei. On ne le trouve qu’en Amérique du Sud. C’est un cousin germain de trypanosoma brucei. Ils sont proches et pourtant extrêmement différents. Les symptômes de la maladie de Chagas sont en effet très différents de ceux de la maladie du sommeil. Il y a une forme chronique, avec des complications cardiaques en particulier. L’autre différence c’est que ce n’est pas une mouche qui le transmet mais une punaise. Trypanosoma crucei lui, n’est pas capable de variation anti-génique. Cette hétérogénéité qui illustre ces deux parasites va se retrouver dans le monde parasitaire en général. On peut avoir affaire à des parasites qui peuvent être très proches et qui néanmoins vont dans leur mode de fonctionnement, dans le type de cellule qu’ils envahissent, avoir des comportements fort différents. La maladie de Chagas concerne 120 millions de personnes. Il y a 16 à 18 millions de cas par an avec une vingtaine de milliers de morts. C’est une maladie qui présente un certain nombre de problèmes de santé publique en Amérique du Sud. Là encore, il y a un déficit thérapeutique dans la mesure où les molécules présentent des effets secondaires.

Troisième parasitose que je voulais citer avant de parler du paludisme, c’est la leishmaniose dont les agents sont les leishmanies. Sa distribution est beaucoup plus grande. On le retrouve en Amérique du Sud mais aussi autour du bassin méditerranéen, dans le nord de l’Afrique, dans le Golfe persique. On trouvait des leishmanioses et l’on en trouve encore parfois un petit peu dans le sud de la France. Cette fois, ce parasite est transmis par un phlébotome. C’est une maladie qui peut être très amplifiée par des cas d’épidémies en particulier liées à la météo et aux pluies qui ont pour conséquence une augmentation du nombre de phlébotomes. 350 millions de personnes sont exposées, voire un peu plus. Il y a 12 millions de cas par an. Il y a deux formes complexes de cette maladie qui sont des complications cutanées ou des complications viscérales auxquels les thérapeutes sont confrontés.

 Quels sont les plus grands risques en matière de parasitose ?Réponse de François Bricaire

Pour les voyageurs qui partent dans différentes régions du monde, parmi les risques qu’ils peuvent encourir en matière de parasitose, il n’y en a qu’une qui est prise en considération à titre préventif et prophylactique : c’est le paludisme. Et, cela est facile à comprendre compte tenu du risque et de la sévérité potentielle qui est celle du paludisme. Troisième élément que je voudrais donner, c’est que le risque n’est pas le même en fonction des zones géographiques dans lesquelles on se rend. En effet, même si on peut trouver dans beaucoup de régions du monde tout ce qu’il faut pour qu’il y ait du paludisme, (c’est-à-dire les anophèles responsables de la transmission, et l’agent parasitaire : les plasmodiums), le risque est complètement différent si l’on se situe en Afrique, ou si l’on se situe en Asie ou sur le territoire sud américain. Si vous vous rendez sur le territoire africain, le risque de vous faire piquer et de vous faire transmettre un plasmodium est beaucoup plus élevé, que si vous allez en Asie du Sud Est, ou en Amérique du Sud.

Nous nous intéresserons ici au paludisme chez les voyageurs qui reviennent soit de séjour touristique, soit éventuellement aux populations migrantes qui viennent en Europe, et qui vont déclarer des accès palustres. Cette notion est importante, alors que l’on assiste à l’augmentation des voyages. La difficulté, c’est l’augmentation de la résistance aux médicaments. Chaque agent infectieux ne cherche qu’une seule chose c’est à survivre et donc à résister aux médicaments qui lui sont opposés. C’est vrai pour les bactéries, c’est vrai pour les virus, c’est vrai pour les parasites. Et puis, nous ne sommes pas très riches en thérapeutique anti-palustre. Nous avons des molécules, mais nous n’avons pas une aussi grande capacité qu’avec les antibiotiques. Nous avons malheureusement un certain nombre de molécules en insuffisance dans la plupart des maladies parasitaires.

Les zones de résistance sont particulièrement importantes. Elles le sont sur le continent africain. Elles le sont dans certaines zones d’Amérique du sud, dans tout le bassin de l ‘amazone en particulier et dans certaines régions de l’Asie du sud est. Alors quand on regarde le nombre de cas dans un pays comme le nôtre, on peut voir au fur et à mesure du temps que le nombre de sujets qui déclarent des paludismes croit de façon régulière. C’est dû à l’augmentation des voyages, en dépit de tous les efforts qui sont faits. Les gens manifestement ne prennent pas les précautions nécessaires pour éviter le paludisme. Vous voyez surtout le nombre de paludismes au retour des vacances. Nous savons très bien que le mois de septembre est un mois à hauts risques de devoir accueillir des sujets impaludés. Provenance géographique : l’Afrique de l’Ouest qui est la source essentielle des paludismes en France, suivi par l’Afrique centrale. On peut considérer que plus ça va, plus les gens voyagent en Asie du Sud d’Est et bien que ça ne représente pas un très fort nombre de sujets revenants avec des accès palustres. Je ne veux pas dire pour autant qu’il faut faire moins attention quand on va en Asie du Sud-Est, mais cela veut dire que le risque est moindre. Quand on regarde les pays principalement concernés tous, à l’exception d’un seul la Guyane, sont des pays d’Afrique, la Côte d’Ivoire et le Sénégal étant particulièrement représentés.

Le nombre régulier des augmentations des voyages s’associe à une augmentation du nombre de voyages dans les zones impaludées. Lorsque l’on voit augmenter la courbe de cette façon, on peut être inquiet. Cela justifie de faire premièrement de la prévention, et deuxièmement pour nous de surveiller les sujets qui reviennent des zones d’endémies.

Quels types de voyageurs font des accès palustres ? Essentiellement les touristes. Ce sont eux qui payent le plus lourd tribut en matière de paludisme Les autres se partageant entre des voyages d’affaires, ou éventuellement des sujets migrants. Je voudrais insister sur le fait qu’il n’est pas étonnant que les hommes d’affaires font moins d’accès palustres pour une raison relativement simple, c’est qu’ils vont dans des villes, ils sont logés dans des hôtels conditionnés et que le risque de piqûres par des anophèles est bien sûr moindre, que pour le sujet qui fait du tourisme, qui va se promener en zone de forêt, qui va sur telle ou telle plage et qui, le soir en particulier, va risquer de se faire piquer par une anophèle. .

 Comment s’effectue la transmission du paludisme ?Réponse de Jean-Christophe Barale

Les parasites, les plasmodiums, sont transmis à l’homme lors de la piqûre d’un moustique, l’anophèle femelle, qui a besoin du sang humain pour assurer la ponte de ses œufs. C’est lors de cette piqûre que l’anophèle femelle sécrète un peu de salive et les parasites qui sont dans les glandes salivaires du moustique passent à l’homme.

Plasmodium est un genre très complexe. Il y en a quatre qui infectent l’homme : plasmodium falciparum (dont on parlera essentiellement et qui est l’agent le plus pernicieux), il y a aussi vivax, ovale et malarie. Ils occasionnent des symptômes plus ou moins graves. Par ailleurs on trouve des plasmodiums dans différents hôtes, des rongeurs, des singes, des oiseaux, des poissons, des reptiles...C’est extrêmement complexe. Personnellement je n’ai jamais compris comment un moustique pouvait piquer un poisson...

Plasmodium a un cycle biologique complexe. La femelle anophèle pique un individu sain. Elle injecte via sa salive des sporozoïdes qui via la circulation sanguine, vont gagner rapidement le foie et envahir les hépatocytes. À l’intérieur des cellules hépatiques, les parasites vont se multiplier. Cette période va durer de quelques jours à quelques semaines selon les parasites. Lorsque vous partez en voyage et que le médecin vous demande de prendre des médicaments quelques semaines à l’issue de votre retour, c’est parce que par exemple, si vous avez été piqué la veille de votre départ, les parasites ne seront pas encore dans le sang, ils sont encore dans le foie, et les drogues doivent être prises de façon à pouvoir contrecarrer une piqûre à la veille du départ. Après amplification dans le foie, les parasites vont pénétrer les globules rouges. Là, commence un cycle, qui selon les espèces va durer de 24 à 72 heures, qui consiste en la multiplication asexuée de parasites qui vont rompre le globule rouge parasité. De nouveaux parasites, appelés mérozoïdes vont envahir de nouveaux globules rouges et ainsi la parasitémie va être maintenue chez un patient sur des déterminants qui sont peu connus. Certains parasites vont se différencier en gamétocytes mâles et femelles, et permettre de faire le cycle complet, en particulier le cycle sexué qui lui va avoir lieu chez le moustique. En effet, une anophèle femelle peut piquer un homme infecté. C’est là qu’il peut avoir un rôle de réservoir en l’occurrence, puisqu’un individu parasité peut être piqué par une anophèle saine et là, va avoir lieu dans l’intestin de l’anophèle une fusion, entre les gamètes mâles et femelles. La fusion va donner lieu à un zygote qui va se différencier en ? ? ? ? qui va traverser la paroi intestinale, puis se diviser pour donner des sporozoïdes. Ces derniers vont migrer jusque dans les glandes salivaires du moustique, et ainsi le cycle sera complet.

 Au niveau global comment lutter contre le paludisme ? Réponse de Jean-Christophe Barale

En fait il y a deux grands axes. Il y a une lutte anti-vectorielle et une lutte anti-parasitaire. Ce qui reste très utilisé, particulièrement en Afrique mais aussi partout dans le monde, ce sont des moustiquaires qui sont imprégnées d’insecticide. C’est à peu près aujourd’hui l’une des seules façons de se protéger en amont sans avoir à utiliser en plus des drogues anti-parasitaires. C’est efficace. Dans certains cas, c’est un peu discuté parce que les moustiques n’ont pas tous le même comportement : certains piquent le jour, d’autres la nuit, et ce n’est pas un schéma simple.

La lutte anti-vectorielle, par épandage d’insecticide, a donné de grands succès dans les années 50/ 60, mais a posé de gros problèmes parce qu’il y a des insecticides qui sont dangereux comme le DTT par exemple. Par ailleurs, les moustiques deviennent résistants aux insecticides. Il y a donc des limites, qui font que la lutte anti-vectorielle n’est pas la panacée.

La lutte anti-parasitaire vous la connaissez tous, c’est celle que les médecins nous proposent lorsque nous allons dans une zone endémique. C’est une prophylaxie qui consiste à prendre un certain nombre de médicaments pour éviter d’être parasité. Là encore, avec des risques éventuels de pouvoir sélectionner un certain nombre de parasites qui pourraient être résistants à ces drogues.
Donc, lutte avec les insecticides, lutte anti-parasitaire, mais aussi l’hygiène de vie, l’organisation des sociétés, le fait d’organiser les villes avec des égouts, etc, ... Tout cela a participé à faire reculer de façon massive le paludisme dans le monde. Si on regarde cette carte qui représente les zones qui étaient impaludées au milieu XIXe siècle, vous pouvez voir qu’il y avait en particulier en France, du paludisme dans le marais poitevin et en Camargue. Je crois d’ailleurs que le dernier cas clinique de paludisme français a été recensé en Camargue. J’insiste là-dessus car il y a ensuite tout ce que l’on nomme les paludismes d’importation, c’est-à-dire des gens qui rentrent de voyage ou alors des gens qui habitent autour de Roissy où il y a des riverains qui peuvent être piqués par des moustiques qui s’échappent des soutes d’avion. Il y a quelques cas de ce type.

A la fin du vingtième siècle, le paludisme a reculé. Il est passé au sud du Sahel. Il y a donc eu une régression manifeste, qui a été obtenue grâce aux insecticides, grâce à l’assainissement des villes, et aussi grâce aux anti-parasitaires. Le problème c’est qu’est apparu aussi de façon concomitante, une émergence de parasites qui sont devenus résistants aux différents traitements, dont les plus connus sont la chloroquine, la quinine. Les résistances sont apparues à la fin des années 50 simultanément en Colombie et en Asie du Sud-Est et se sont disséminées pour aboutir à une situation complexe du point de vue thérapeutique puisqu’il y a une résistance à la chloroquine, à la quinine. Cela a été très rapidement vrai pour falciparum, ça l’est aujourd’hui aussi pour vivax. Il y a donc dans certains cas une situation de multi-résistance, qui pose de vraies questions et nécessite l’identification de nouveaux parasites.

 Individuellement quelles sont les précautions à prendre ?Réponse de François Bricaire

Le premier élément c’est que chaque sujet qui va voyager doit pouvoir décrire à celui à qui il demande des conseils le type de voyage qu’il fait, les zones géographiques, les pays qui seront visités et les conditions dans lesquelles il voyagera. Il y a une grande différence entre un homme d’affaire qui va signer un contrat à Bangkok, qui n’a quasi aucune chance d’avoir un paludisme et la personne qui va crapahuter, sac au dos, dans les forêts d’Afrique centrale ou même dans les territoires du Mali à pied où là manifestement il y a un risque important de développer un paludisme. Dans ce cas, il est nécessaire de prendre à la fois une chimio-prophylaxie et deuxièmement et c’est très important de se protéger contre les moustiques. Donc une personnalisation des conseils prophylactiques en sachant qu’en dépit de tout ce que l’on peut vous conseiller, il faut toujours rester méfiant et qu’aucune chimio-prévention, aucune protection à l’encontre du paludisme n’est absolue.

Donc, réduire le risque de piqûre de moustique, c’est surtout se protéger au moment où les piqûres des anophèles sont maximum, c’est-à-dire le soir, et une grande partie de la nuit. C’est là où on peut utiliser, des insecticides, tout ce qui est répulsif, de choses qui permettent d’éloigner les moustiques ( les tortillons chinois ou autre). Il est bon d’insister sur le fait que la climatisation contrairement à ce que certains pensent n’empêche absolument pas les moustiques de piquer. Dormir sous une moustiquaire, d’autant qu’elle sera imprégnée d’une substance anti-moustique et que la moustiquaire soit en bon état !

Deuxième élément c’est la chimio-prophylaxie. Premièrement la nivaquine, les zones où elle peut être utilisée restent aujourd’hui extrêmement réduites. Autre possibilité, l’association de deux médicaments : la chloroquine et un second qui empêche le développement satisfaisant du plasmodium et qui s’appelle la Savarine.

Troisième possibilité beaucoup plus moderne, récemment apparue sur le marché, qui est une autre association, celle d’un anti-parasitaire et du proguanil, dans une spécialité appelée la Malarone. Ce médicament est intéressant parce que son mode d’action permet de le prendre de façon beaucoup plus courte après le retour. Une semaine seulement après le retour de la zone impaludée suffit à assurer une protection. C’est un progrès en matière de prophylaxie.

Et puis il y a la méfloquine, commercialisée sous le nom de Lariam, qui est un excellent médicament en termes d’efficacité sur les souches qui sont chloroquino-résistantes. Son utilisation est intéressante car il y a une seule prise par semaine, mais à condition de le poursuivre 3 semaines après le retour. Le problème, c’est sa tolérance. Certains sujets le tolèrent mal car il provoque soit des vertiges soit des troubles digestifs, et donc là ce n’est pas utilisable.

Il y a aussi et c’est de plus en plus utilisé, un antibiotique, la cycline, en particulier la doxycycline, qui a l’avantage d’agir très précocement dans le cycle parasitaire au niveau hépatique et qui est donc une très bonne prévention, à la condition là encore que l’on puisse tolérer cet antibiotique sachant qu’il peut donner des inconvénients au soleil. Car évidemment il y a souvent une relation directe entre le voyage et le soleil ...

 Comment détecter que l’on est face à une crise de paludisme ?Réponse de François Bricaire

D’un point de vue clinique, on peut donner un certain nombre d’éléments. Ils sont importants à connaître parce que la survenue au cours d’un voyage de tels signes doit impérativement faire consulter la personne qui en est atteinte. Un accès qui apparaît dans ce que l’on appelle la primo invasion , c’est-à-dire la première manifestation due à l’infection par le plasmodium , l’incubation étant de 7 à 21 jours , cela veut dire sur le plan pratique que dans les 7 premiers jours d’un voyage, vous n’avez aucun risque de voir se développer un paludisme, en revanche à partir du 7 ème jour peut apparaître un paludisme. C’est une fièvre dont les aspects sont variables, mais le plus souvent une fièvre continue. Cette fièvre est le symptôme qui doit attirer l’attention. Il s’y associe souvent des symptômes qui n’ont rien de spécifique, qui ressemblent un petit peu à des éléments pseudo grippaux : maux de tête, douleurs musculaires et des articulations, et très important très souvent pour ne pas dire toujours ; des troubles digestifs. Les gens ont des douleurs abdominales, ressentent des nausées, a fortiori des vomissements et parfois de la diarrhée. On peut constater alors à l’examen clinique, l’existence d’une grosse rate, d’un gros foie et parfois d’une petite jaunisse qui attire là aussi l’attention du médecin.

Dans les cas, il est essentiel de consulter pour que le diagnostic soit fait dans les meilleurs délais, car le risque de sévérité avec plasmodium falciparum existe à tout moment. Au-delà de cette gravité, il faut savoir qu’avec plasmodium falciparum il n’y aura pas de rechutes. Ou bien le sujet va être traité et être guéri, ou il fera un accès sévère dont il pourra éventuellement mourir, mais dans tous les cas il n’y a pas de rechute. En revanche pour les autres plasmodiums vivax et ovale, vont pouvoir apparaître des accès successifs les uns derrière les autres, donc des accès fébriles qui vont permettre plus tranquillement de faire un diagnostic. Il faut peut-être insister sur point, on entend souvent une fois que c’est parti ça continuera, ça continuera ... Oui, il peut y avoir des accès qui se répètent durant des semaines ou des mois, voire parfois des années mais qui finissent par s’interrompre.

Je reviens, parce que c’est fondamental sur cette gravité potentielle de plasmodium falciparum. Des manifestations qui peuvent s’aggraver à tout moment avec des manifestations neurologiques, la survenue d’un coma donc un neuropaludisme, ou des manifestations plus diffuses comme la survenue d’une anémie particulièrement sévère et c’est logique puisque le plasmodium s’attaque aux globules rouges. En entraînant une destruction des globules rouges il peut entraîner une anémie, il peut s’ensuivre une insuffisance rénale , des troubles respiratoires, des troubles de la circulation cardio-vasculaires, plus un certain nombre d’anomalies. L’essentiel est de considérer qu’un accès de paludisme à plasmodium, falciparum peut évoluer vers cette gravité et alors le pronostic devient beaucoup plus sévère. Fort heureusement en France, le nombre de sujets qui reviennent et qui font des formes sévères et vont décéder sont relativement limités, mais chaque année il y a entre 10 et 20 personnes qui décèdent de paludisme de formes sévères et de forme malignes. Et à chaque fois, on peut considérer que c’est 20 de trop et qui auraient tous pu être évités.

 Pourquoi les voyageurs ont-ils des accès palustres malgré les traitements préventifs ?Réponse de François Bricaire

Ce qui est instructif c’est que lorsque l’on interroge les sujets qui reviennent avec un paludisme on constate que dans la majorité des cas aucune chimiothérapie aucune prévention médicamenteuse n’a été suivie. En d’autres termes, soit les gens ne s’étaient pas informés, soit en dépit de l’information qu’ils ont reçue, ils n’ont pas tenu compte de cette prophylaxie. S’ils l’ont prise, en général, ils ne l’ont pas prise de façon satisfaisante c’est-à-dire qu’ils l’ont arrêté trop précocement après le retour. Cet élément justifie que l’on s’appesantisse sur les explications à donner aux sujets qui partent dans les zones impaludées. Les conseils n’ont pas toujours été très bons et les prises médicamenteuses n’ont pas toujours été adaptées aux pays ou aux conditions de voyage dans lesquelles le touriste allait effectuer son déplacement. C’est pour cela qu’il faut faire très attention aux sources d’informations auxquelles on s’adresse. Mieux vaut demander aux gens qui connaissent, en particulier aux services de conseils aux voyageurs dans les services de maladies infectieuses et tropicales.

 Lorsque l’on ne tolère pas les traitements anti-paludiques peut-on se contenter des produits anti-moustiques ?Réponse de François Bricaire

Les produits répulsifs sont de très bonne qualité. Des produits comme 5 sur 5 sont de très bons produits si vous y associez tout l’ensemble des petits moyens. J’ai parlé de la moustiquaire, j’ai parlé éventuellement des tortillons chinois, de tout ce qui va se diffuser que l’on met dans une prise de courant, etc, et qui font fuir les moustiques. À ce moment-là, vous avez une protection de bonne qualité. Il faut quand même y associer le port de manches longues, et de pantalons lorsque l’on sort le soir. Bref un certain nombre de contraintes...

En dépit de cela, on ne peut pas assurer une protection à 100 %. C’est pour cela que l’on insiste beaucoup sur la nécessité de l’association chimio-prophylaxie. Mais quand on ne supporte pas du tout cette chimio-prophylaxie, ce qui n’est pas très fréquent, et bien mieux vaut cela. Je vous dirais quand même que si vous partez en Amérique du Sud ou en Asie du Sud-Est, la réponse est oui, cela peut suffire dans la majorité des cas. Si vous partez en Afrique, dans les zones forestières c’est déjà beaucoup plus risqué. Alors dans ces circonstances, il faut être très clair, il faut savoir que l’on se protège mais insuffisamment et donc être près immédiatement si l’on a un accès fébrile à consulter un médecin et lui dire, je ne prends pas de prophylaxie et je viens d’une zone impaludée.

 Le risque est-il plus grand pour la femme enceinte et son bébé ? Réponse de Jean-Christophe Barale

Le paludisme gestationnel c’est quelque chose qui a été un vrai problème. C’est un peu une niche parce que cela ne concerne pratiquement que les femmesprimipares,c’est-à-dire qui attendent leur premier enfant. En l’occurrence ce qui a été montré c’est que lors d’une première grossesse il y a des complications effectivement qui interviennent et qui peuvent être fatales pour l’enfant et parfois aussi pour la mère. Mais si une première grossesse se passe, les suivantes posent beaucoup moins de problèmes. Ce qui était connu c’est cette agrégation, cette accumulation, de globules rouges parasités dans le placenta. On ne sait pas exactement les conséquences en termes de physiopathologie. On peut cependant imaginer que cet élément étranger à des concentrations extraordinaires, perturbe le fonctionnement de cet organe essentiel. Ce qui a été montré c’est qu’il y a à la surface du globule rouge parasité une protéine qui est un liguant pour des récepteurs qui sont à la surface du placenta. Les jeunes mamans qui attendent leur premier enfant n’ont pas d’anticorps permettant de se protéger contre cette protéine-là. Par contre, lors d’une deuxième grossesse, elles auront les anticorps qui permettront de contrecarrer ce variant. L’idée du vaccin est donc de chercher à protéger une adolescente ou une jeune femme en vue de sa première grossesse.
 
 Peut-on tolérer des traitements anti-paludiques sur une longue durée ? Réponse de François Bricaire

Je vais faire une réponse un peu nuancée. Pour les voyages qui deviennent un peu plus longs que la moyenne (la moyenne étant de 15 jours à un mois), effectivement on dit parfois, qu’il peut y avoir des problèmes de tolérance. Ce sont des problèmes de tolérance individuelle. Globalement on peut considérer que pour les gens qui les supportent bien, il n’y a aucun souci pour continuer 2 mois, 3 mois, 4 mois, une prophylaxie. Au-delà, finalement cela revient à être perpétuellement sous anti-paludiques, pour des gens qui voyagent perpétuellement, ce qui arrive pour certaines catégories professionnelles, cela fait des chimio-prophylaxies permanentes. Dans ces circonstances, on a plutôt tendance à conseiller aux gens de ne plus prendre de chimio-prévention et de prendre les petits moyens pour se protéger et de considérer que si jamais ils ont un syndrome fébrile, ils vont consulter et faire les examens nécessaires pour faire le diagnostic de paludisme. La même remarque peut être faite pour les gens qui vont s’installer dans les zones impaludées c’est-à-dire devenir des résidents. On leur propose souvent de prendre une chimio-prophylaxie temporaire, le temps de faire connaissance avec les moustiques, de commencer à installer une certaine immunité fut-elle très relative et ensuite d’arrêter la prophylaxie et de se considérer simplement à risque et là encore de consulter s’il arrive quelque chose.

 Les gens qui vivent dans les zones impaludées peuvent-ils développer une immunité ?Réponse de Jean-Christophe Barale

En effet en Afrique en particulier, dans les régions où la transmission est constante tout au long de l’année, il intervient une immunité anti-palustre que l’on appelle la prémunition qui est une immunité anti-maladie et anti-parasitaire. Ces personnes vivant en Afrique, voient à partir de l’âge de 10 ans, leur parasitémie diminuer de façon importante ainsi que les symptômes. Cependant ce ne sera jamais une immunité clairante, c’est-à-dire qu’ils seront toujours parasités mais à un niveau très bas. Il n’y a jamais d’immunité naturelle totale contre le paludisme. C’est l’un des enjeux de cette maladie par exemple dans la définition d’un vaccin. Les adultes ont donc cette immunité, la prémunition, et deviennent des porteurs sains d’une certaine façon et ont une infection asymptomatique. La question est de savoir quels sont les déterminants des accès graves et des décès.

Pour illustrer ce que je dis, il y a une étude épidémiologique qui a été réalisée à Dielmo au Sénégal. On voit qu’il y a un pic qui redescend à partir de 7/10 ans pour à partir de l’adolescence et de l’âge adulte avoir un nombre de cas cliniques très faibles par tranche d’âge. Cette courbe ici représente la parasitémie par tranche d’âge et montre que cette immunité est efficace mais pas complètement. Les adultes demeurent parasités mais sont asymptomatiques. Très important, cette immunité met une dizaine ou une douzaine d’années à s’établir et elle est labile, c’est-à-dire que si quelqu’un quitte la zone endémique, n’est plus exposé de façon constante aux parasites, ,et qu’il revient, il sera à nouveau sensible. C’est quelque chose qui est un enjeu phénoménal en particulier pour les immunologistes d’essayer de comprendre comment le parasite échappe à des réponses efficaces et durables du système immunitaire. C’est un des mystères de ce parasite et de l’interaction hôte/parasite.

 Où en est-on de la recherche d’un vaccin ? Réponse de Jean-Christophe Barale

Le parasite sur lequel l’essentiel des recherches se portent pour le vaccin, c’est falciparum parce que c’est le plus pernicieux. Mais, ce ne sera pas spécifique de telles formes de falciparum ou de telles autres. Le but étant d’obtenir des vaccins qui couvriront le plus possible de types parasitaires. L’objectif est d’avoir un vaccin qui marche contre tout, le plasmodium falciparum au moins...

Vous savez à quel point c’est une molécule qui est attendue et qui n’est pour l’instant pas confirmée. Dans l’attente de cette molécule-là, il y a des stratégies pour le paludisme gestationnel qui sont nées un peu parce que l’on s’intéressait précisément à cet aspect. L’autre aspect c’est, je vous ai dit qu’il n’y avait pas d’immunité naturelle complète, il y a donc des gens qui cherchent à mimer cette immunité que l’on appelle la prémunition, et qui proposent par exemple de faire des vaccins anti-maladie, donc d’essayer de prévenir les symptômes. Encore faut-il pour cela bien identifier les toxines, essayer de montrer qu’elles peuvent protéger, etc. Tout cela est en cours d’analyse...

 
Nota : Conférence du 8 juin 2003 : texte copié sur site http://www.cite-sciences.fr

 
 

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